11 juin 1962 - L’évasion spectaculaire d’Alcatraz


 

Claudio Schwarz

Ligne de crédit : Unsplash


1- La prison fédérale d’Alcatraz

L’ile d’Alcatraz, aussi surnommée « le rocher », est une petite ile de neuf hectares, se situant dans la baie de San Francisco, en Californie, à environ 2km du port de San Francisco. Elle possède une importante forteresse, riche en histoire, puisque celle-ci a d’abord servi en tant que forteresse militaire, puis comme prison militaire et enfin comme prison fédérale. Aujourd’hui, Alcatraz est devenue un site historique et touristique visité par des millions de personnes chaque année. Nous nous pencherons ici sur l’année 1962, lorsqu’Alcatraz était alors une prison fédérale (1934-1963). Elle regroupait, durant cette période, un nombre important des plus dangereux criminels des Etats-Unis. Dès 1934, le gouvernement fédéral souhaite créer une prison stricte et fortifiée, servant de modèle pour les autres pénitenciers américains. En effet, on comptait 1 gardien pour 3 détenus au sein de la prison d’Alcatraz, un chiffre très convaincant contrairement à celui des autres prisons américaines où l’on trouvait près de 1 gardien pour 15 à 30 détenus. En plus du personnel très présent, les barrières « matérielles » (miradors, murs très hauts et barbelés) ainsi que les barrières « naturelles » (mer, vent) viennent réduire à néant toute volonté de s’échapper de la prison ; et pourtant… une petit groupe de prisonniers va réussir à déjouer tous les dispositifs mis en place par le gouvernement fédéral, dans la nuit du 11 juin 1962.

 

2- Acteurs de l’évasion du 11 juin 1962

Avant de vous expliquer le déroulement de cette évasion spectaculaire, je souhaite vous présenter de façon plus personnelle, les différents acteurs de cette évasion. Ils sont 4 à vouloir tenter l’impossible :

-          Franck Morris, né le 1er septembre 1926 à Washington, délinquant et criminel, arrêté à de nombreuses reprises pour divers crimes (vol à main armée, détention de stupéfiants). Il est un habitué des pénitenciers ainsi qu’un adepte de l’évasion, il sera très vite envoyé au pénitencier fédéral d’Atlanta, puis transféré définitivement à Alcatraz. En arrivant sur le rocher, en janvier 1960, sous le matricule « AZ1441 », il est considéré par les détenus comme étant une véritable légende, le bruit courait qu’il s’était échappé d’un grand nombre de prisons américaines. Doté d’une intelligence peu commune, avec un QI supérieur à 130 (comme 3% de la population), il sera le « cerveau » du groupe dans la planification de l’évasion.

-          Les frères Clarence Anglin (né en mai 1931) et John Anglin (né en mai 1930), braqueurs habitués de banques en Géorgie, sont arrêtés en 1956 et sont condamnés à 20 ans de prison. Ils sont envoyés au pénitencier fédéral d’Atlanta où ils rencontrèrent Franck Morris et Allan West ; puis envoyé à Alcatraz après leurs dernières tentatives d’évasion. John, « AZ1476 » arrive à Alcatraz en octobre 1960 tandis que son frère Clarence, « AZ1485 », apparait sur l’ile en janvier 1961.

-          Allan West, né en 1929, est envoyé à Alcatraz en 1957, après avoir longuement séjourné au pénitencier fédéral d’Atlanta (pour vol de voiture). West devient dès lors le prisonnier « AZ1335 ». Il serait lui aussi à l’initiative du plan d’évasion, au côté de Franck Morris.

Ainsi, les 4 acteurs, se connaissaient avant d’arriver à Alcatraz, ces derniers avaient déjà tisser des liens forts et établirent alors entre eux une confiance solide. L’idée d’une potentielle évasion se fait donc très rapidement et naturellement.

 

 

3- La planification de l’évasion d’Alcatraz 

3.1- Creuser un tunnel 

Pour pouvoir s’évader, il fallait tout d’abord pouvoir sortir de sa cellule mais comment ? Les portes ne pouvaient être déverrouillées uniquement par les gardiens du pénitencier. Il fallait donc trouver un subterfuge : creuser un trou au fond de leurs cellules. En effet, chaque cellule disposait d’une grille de ventilation près du sol ; en creusant autour de celle-ci, il était possible de rejoindre le couloir de service (non gardé) du bloc B (bloc où résident les 4 protagonistes), couloir se situant juste à l’arrière des cellules. Pour ce faire, il fallait mettre en place une organisation très rigoureuse ; les gardiens surveillaient activement les prisonniers, ils ne devaient donc pas être vus sous peine de faire échouer instantanément le plan d’évasion. C’est pourquoi les frères Anglin, West et Morris vont s’entraider et monter la garde chacun leur tour, afin de prévenir celui qui « travaille » de l’arrivée potentielle des gardiens. C’est en se procurant des outils rudimentaires (outils des ateliers de prison, outils créés via différents matériaux) que le petit groupe pouvait creuser leurs tunnels, généralement entre 17h30 et 21h mais aussi durant la journée lorsque des bruits forts tels que celui de l’accordéon pouvaient masquer leur pesante besogne. Ce chantier nécessitait donc beaucoup de discrétion, les débris des murs creusés étaient alors cachés dans les poches des vêtements des prisonniers concernés puis jetés lors de leurs promenades. Pour que les gardiens ne se doutent de rien, ils avaient également créé une fausse grille de ventilation, fabriquée à partir d’un classeur ne laissant aucunement planer le doute depuis leurs cellules mal éclairées.

Tout ceci était fort ingénieux mais cela ne s’arrête pas là. Le couloir de service permettait d’accéder à un ventilateur incrusté au toit. Il pouvait être facilement démonté, permettant ainsi aux évadés de rejoindre le toit et de s’échapper par celui-ci.

 

3.2- Créer de fausses têtes 

Une fois le tunnel creusé, il fallait que les gardiens ne se rendent compte de rien. Franck Morris a donc eu l’intelligence de fabriquer de fausses têtes afin de leurrer totalement les surveillants du pénitencier. Ces têtes étaient assez réalistes, conçues à partir de papier toilette et de savon, donnant alors une sorte de papier maché, puis peintes à la main. Pour terminer, Clarence Anglin, qui travaillait au salon de coiffure de la prison, ramena des cheveux afin de les coller sur les têtes et de leur donner ainsi davantage de réalisme.

 

3.3- Fabriquer un radeau 

Après avoir pensé à creuser les tunnels et à fabriqué de fausses têtes, qui permettrait aux 4 prisonniers de s’évader de la forteresse d’Alcatraz, il fallait trouver un moyen de quitter l’ile, isolée et entourée par la mer. Le groupe opta alors pour la création d’un radeau, en utilisant une pompe à air confectionnée par John Anglin, de la colle volée ainsi qu’une cinquantaine d’imperméables récoltés : demandés et volés à d’autres détenus. Tous le matériel était stocké derrière le mur de la cellule et confectionné lors de leur évasion, une fois construit, le radeau mesurait environ 1,80 m de large et 4,25 m de long.

 

4- L’incroyable évasion du rocher

Peu de temps après voir terminée la planification de l’évasion, Morris donna enfin la date prévue de l’évasion à ses 3 compères : le 11 juin 1962. L’évasion commence dès 21h30, peu de temps après l’extinction des feux, les quatre détenus installèrent sans plus attendre les têtes fabriquées dans leurs lits respectifs. Morris et les frères Anglin parviennent à s’extirper de leurs cellules en passant par leur tunnel ; Allan West quant à lui, n’ayant pas creusé assez sa grille ne peut rejoindre ses complices en temps voulu et ne pourra donc s’échapper avec le reste du groupe. Les 3 hommes continuèrent leurs chemins à travers le couloir de service, désinstallèrent le gros ventilateur et grimpèrent le long d’un tuyau jusqu’au toit (environ 9 m de hauteur). En arrivant sur celui-ci, ils évitèrent les lumières des miradors sur une trentaine de mètres puis descendirent le long d’une conduite. Une fois descendus, ils franchirent la clôture de barbelés de près de 5 m de hauteur, pour ensuite construire rapidement leur radeau de fortune et se jetèrent dans l’eau agitée et froide. Personne ne les reverra par la suite…

 

5- L’évasion : une réussite ou un échec pour les trois évadés ?

C’est à 7h du matin, lors de l’appel matinal que les gardiens découvrent cette brillante supercherie et sonnent directement l’alerte. Dès 8h, la direction d’Alcatraz réagit : des recherches sont lancées dans la région, mobilisant avions, bateaux, policiers et chiens, afin de retrouver la trace des trois disparus. En parallèle, les prisonniers sont interrogés ; c’est en interrogeant West, que la police découvre le plan des évadés et donc, leur intention de rejoindre Angel Island, (plus grande ile de la baie de San Francisco) avant de rejoindre le continent. En suite ils avaient pour but de voler des vêtements ainsi qu’une voiture avant de se séparer et de disparaitre complètement. La question que tout le monde se pose est la suivante : Que s’est-il réellement passé ? Ont-ils réussi ? Les avis fluctuent, en effet, les corps n’ont jamais été retrouvés et un grand nombre d’individus pensent qu’ils se sont noyés dans la baie de San Francisco, ce qui est plausible à cause des courants marins très forts. De plus, aucun des proches des évadés n’ont eu des nouvelles d’eux et aucun vol ou agression pouvant leur être attribués, les jours qui suivirent l’évasion, n’ont été relevé. Ils sont donc présumés morts. L’enquête du FBI, comptant près 1757 pages de dossier, prend fin 17 ans après l’évasion, le 31 décembre 1979 précisement. C’est L’United Marshals Service qui reprend l’enquête en 1981, une agence de police chargée de traquer les prisonniers évadés (plusieurs 10 de milliers sont rattrapés chaque année par celle-ci). Cette agence, retravaille alors méticuleusement le dossier et finis par découvrir certains éléments qui pourraient finalement démontrer la réussite des évadés. Parmi ces éléments l’on peut citer un télétype du FBI (12 juin 1962) qui indique qu’un radeau a été retrouvé à Angel Island ; un mémorandum du gouvernement (13 juin 1962) affirmant la même chose et mentionnant également la présence d’empreinte à proximité du radeau ; ce mémorandum explique aussi qu’une voiture, une Chevrolet bleue avait été volée le lendemain de l’évasion, ce qui vient alors contredire la thèse selon laquelle les évadés seraient morts. Néanmoins, ces derniers n’ont jamais été retrouvés et laisse ainsi planer le doute derrière eux ; je vous laisse à présent juger par vous-même…

Sacha Nizet