Avoir le choix nous empêche-t-il de faire des choix ?


L’une des idées les plus répandues de notre société actuelle est que avoir le choix, c’est être libre, et donc une bonne chose. C’est ce qui parait logique : nous sommes devenus plus libres de faire ce que l’on souhaite que jamais auparavant, donc nous sommes plus heureux que nos ancêtres qui étaient limités dans tout.

Mais si l’on vous disait qu'avoir trop le choix est contre-productif, que plus on a le choix, et moins l’on choisit ? N’entend-t-on pas à longueur de temps comment nous sommes malheureux maintenant comparé à avant ? Certes, le sentiment très humain de “c’était mieux avant” joue un rôle dans ce sentiment, mais les études ont montré une chute drastique du nombre de personnes se disant “heureuse”.


De nos jours plus encore que dans le passé, nous sommes confrontés aux choix continuellement. Quelle boite de thon acheter ? Quelle voiture conduire ? Quel plat commander au restaurant ? Quel film regarder ?

Combien sommes-nous à rester sur les pages de Netflix, Canal + ou Amazon Prime pendant de longues minutes, voire des heures, avant de choisir ce que l’on souhaite regarder ?


Pendant des années, les théories psychologiques ont pointé du doigt l’effet bénéfique du choix, les liens profonds qu’il partage avec la motivation, l’idée que se fait la personne du contrôle qu’elle a sur ce qu’elle fait. Même si ce choix est purement illusoire, il a un effet bénéfique sur le comportement  (Langer, 1975; Lefcourt, 1973; Lewin, 1952).

Toutes ces théories reposent cependant sur un biais de méthodologie : il est impossible de reproduire une expérience avec autant de choix qu’il y en a dans la vie réelle. Cela nous montre surtout qu'avoir un peu de choix est toujours meilleur que de ne pas en avoir du tout.


Il semble surtout qu’avoir trop de choix crée une difficulté croissante à choisir : le plus souvent, un individu avec trop de choix n’arrive pas à décider par lui-même, il va chercher d’autres alternatives, faire le choix par défaut ou encore ne pas le faire du tout. De plus, il a été prouvé qu’un nombre grandissant d’options poussent à ne prendre en considération qu’un nombre limité. Avoir le choix, c’est surtout être paralysé.

C’est ce que l’on appelle la “Tyrannie du Choix” (Schwartz, 2000). Plus il y a de choix possibles (par exemple, 30 saveurs de glace différentes), plus les consommateurs seront attirés, mais moins ils seront satisfaits. Car voilà un nouveau biais psychologique : sur 30 possibilités, il semble logique qu’une nous plaira forcément plus que les autres. Donc, lorsqu’un choix est finalement fait, l’on ne peut qu’être déçu car le nombre important d'options fait parallèlement grimper nos attentes. Il n’y a que de la déception possible, car nous aurons toujours l’impression de passer à côté de mieux que ce que l’on a déjà.


C’est pourquoi nous avons très souvent cette impression amère d’avoir passé trop de temps à choisir un film sur Netflix, pour un produit pas aussi bon que nous le souhaiterions. car, sur les milliers de films et séries disponibles, nous ne pourrons jamais savoir s’il y a mieux.

Nous finissons naturellement, face à tant de possibilités, par être démotivés, perdu, incertain d’avoir fait ce qu’il fallait. Avoir trop le choix, loin d’être une bénédiction de notre époque, est l’une des causes qui poussent la majorité des personnes à s’interroger sur le bien fondé de leur vie, à ne pas se sentir vraiment heureux et comblés.


Ai-je fait les bons choix de vie ? Qu’est ce que j’aurais pu améliorer ?

Bien sûr, nous ne sommes pas égaux face à ce biais psychologique : certains le ressentent bien plus que d'autres. Cela provient surtout de la nature du choix à faire. Si le choix semble vraiment important, nous serons encore plus paralysés, hésitants, cherchant d’autres solutions que ce qui nous apparaît. Bien sûr, s'il ne s’agit que de choisir le type de pâte pour manger ce soir, ce fonctionnement psychologique est beaucoup moins puissant. Mais pas inexistant.

Nicolas Graingeot


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