COVID-19 et les jeunes


 
image.jpg

Erik Witsoe

Ligne de crédit : Unsplash


Un appartement d’une quinzaine de mètres carrés, une connexion internet instable et pour seule interaction sociale, un écran avec la tête du professeur. La plupart des autres élèves n’ont pas allumé leur caméra. L’intervenant commence, il éprouve des difficultés avec tous ces outils, il touche aux boutons et lance son cours. C’est parti pour quatre heures à regarder un écran défiler sans interaction physique. Cette situation a été vécue et est vécue par des milliers de jeunes.

Selon une enquête menée en juin (1), plus de 8 étudiants sur 10 ont eu le sentiment d’avoir décroché dans leurs études pendant le confinement. Les établissements universitaires considèrent pour la plupart avoir eu une bonne gestion de la crise, 53% des étudiants sont plutôt d’accord avec cette affirmation. Cependant, il ne faut pas oublier les étudiants en fracture numérique, environ 1 étudiant sur 10 n’a pas eu accès aux cours et même aux examens à distance. Les remarques quant à la gestion de la crise au sein de l’université sont l’absence d’échanges avec les enseignants, des cours manquants ou un manque de communication. A l’heure où le gouvernement pense maintenir le distanciel pour l’université, il est important de pointer du doigt les difficultés rencontrées par les étudiants.

Quand la scolarité est maintenue en présentiel jusqu’au lycée, les universités doivent privilégier le distanciel. Pour alléger la détresse psychologique, on ouvre des « cours de soutien » pour une dizaine d’étudiants. Intention louable mais clairement insuffisante pour des promotions de 400 étudiants. Les connaissances ne s’acquièrent pas en étant assis derrière un écran, mais par des échanges entre les intervenants et les étudiants lors de groupes de travail ou de débats en présentiel. Ce manque d’interaction physique impacte les étudiants qui sont réduits à apprendre des cours par cœur sans pour autant avoir un esprit critique sur ce qu’ils apprennent.

Les partiels sont également une source très importante de stress pour les étudiants, notamment par la peur de contamination. En effet, même si une session 1bis doit être proposée pour les cas-COVID ou les cas contacts, certaines formations envoient directement les étudiants en rattrapages. Cela va à l’encontre de la deuxième chance que prône l’enseignement supérieur. De plus, cela accentue l’anxiété chez les jeunes qui ont peur de rater leurs études et donc leur avenir.

Le mal-être étudiant est donc accentué par cette crise. 73% des étudiants déclarent avoir été affectés au niveau psychologique, affectif ou physique, proportion plus élevée que pour la moyenne des Français. La fracture sociale, la peur de l’échec, l’éloignement familial ont fortement impacté les jeunes de 18-25 ans. 23% d’entre eux ont eu des pensées suicidaires. Cette situation est très alarmante et montre à quel point les étudiants souffrent de l’exclusion mise en place dans la gestion de la crise.

A court terme, l’impact du confinement sur le parcours étudiant est préoccupant. 84% des étudiants déclarent avoir décroché de leurs études pendant le confinement. Ajouté à ce décrochage, la peur d’avoir un diplôme « en carton » pour 45% d’entre eux. Les projets d’orientation et professionnels sont fortement impactés pour 52%. Cela accroît le sentiment pour les étudiants d’être la génération qui devra payer la dette provoquée par la crise du coronavirus.

Ce choc de génération se ressent également dans une enquête d’octobre 2020 (2). 66% des jeunes se sentent injustement accusés de la reprise de l’épidémie. Il est vrai que les jeunes ont servi de bouc émissaire pour certains Français qui les accusaient d’irresponsabilité à la rentrée de septembre lors de soirées estudiantines. Cependant, il est important de rappeler que les jeunes ne sont pas les seuls à organiser des barbecues ou à aller dans les bars… 54% des 18-25 ans considèrent que les jeunes ont été sacrifiés au profit des Français les plus âgés. Ces chiffres montrent la guerre entre les générations qui revient à chaque période difficile de l’Histoire. 

Concernant l’avenir, les avis sont partagés montrant la grande disparité présente au sein de la jeunesse. Tout le monde ne vit pas de la même manière le confinement et l’enseignement à distance. Certains sont chez leurs parents, mais doivent s’adapter à un rythme familial et ont l’impression d’étouffer, d’autres sont dans leurs appartements étudiants en fracture numérique, d’autres encore doivent s’adapter aux enseignements mixtes avec du présentiel-distanciel…. C’est pourquoi si 21% restent optimistes pour l’avenir, 21% se sentent révoltés et 32% résignés.

Cette vision contrastée de l’avenir ne doit pas être négligée car les jeunes sont les futurs actifs de demain. A force d’être exclus et pointés du doigt, ils se sentent délaissés et se désintéressent de la vie publique. Arrêtons de dire « Et les jeunes pendant les guerres, ils n’avaient pas la chance d’être au chaud chez eux », cela ne fait que renforcer le sentiment de culpabilité et de mal-être. Chaque génération a son histoire et des épreuves à relever. Pour ne pas avoir des adultes actifs névrosés dans la future décennie, il faut leur redonner une place importante dans la gestion de la crise.

Marine


Sources :

(1) Enquête réalisée par IPSOS pour la FAGE du 18 au 22 juin 2020 auprès de 1000 personnes âgées de 18 à 25 ans.

https://www.fage.org/ressources/documents/3/6294-DP_13-07-20_Enquete_FAGE-IPSOS_Les-.pdf

(2) Sondage Les jeunes et la crise du COVID LaTribune Octobre 2020

(3) Enquête réalisée par IPSOS pour la FAGE le 9 mai 2021

https://www.fage.org/ressources/documents/3/6985-DP_09_05_21_Enquete_FAGE-IPSOS_Un_A.pdf

Écrivez-nous