Etre doublement exceptionnel, le défi des 2E


 

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Depuis plus de trente ans, le profil des enfants doublement exceptionnels est reconnu par la communauté scientifique. Cependant, ces enfants sont un véritable défi pour les enseignants mais aussi le corps médical, dont notamment les orthophonistes. Un enfant doublement exceptionnel est un enfant qui présente un haut potentiel intellectuel (HPI), et un trouble spécifique du langage écrit, TSLE, (dyslexie ou dysorthographie). Cependant, l’identification de ces deux caractéristiques est difficile, puisque le HPI peut masquer le trouble.

En France et dans les médias, on entend parler du terme « surdoués » ou encore « précoces ». Cependant, ces termes ont une connotation avec des présupposés, qui ne sont pas représentatifs de la réalité clinique. La notion de « précocité » laisse à penser que les enfants sont en avance par rapport à leur âge chronologique, et le terme « surdoué » renvoie au don ou au génie. Il faut donc privilégier l’utilisation du terme « haut-potentiel intellectuel », qui est plus neutre. Le HPI se caractérise par la présence de dispositions intellectuelles exceptionnelles, dans divers domaines au niveau comportemental et cognitif. Pour la communauté scientifique, on considère qu’un enfant est porteur d’un HPI quand il a un Quotient Intellectuel Total supérieur ou égal à 130 aux tests d’intelligence validés et standardisés. Mais, d’autres critères sont également à prendre en compte au niveau comportemental et cognitif comme une vitesse de traitement plus rapide, une hypersensibilité affective et émotionnelle ou bien un désir de lecture plus précoce.

Or, un trouble spécifique du langage écrit ne s’exprimera pas de la même façon chez les enfants à HPI que les enfants d’intelligence moyenne. En effet, les enfants à HPI présentent des caractéristiques cognitives propres. Par exemple, leurs capacités en mémoire en travail (maintenir et manipuler les informations de manière temporaire), sont supérieures à la moyenne. Or, chez les enfants TSLE, cette mémoire de travail est souvent déficitaire, et est donc considérée comme un marqueur diagnostique. 

De nombreux orthophonistes reçoivent dans leur cabinet des enfants diagnostiqués comme haut-potentiels mais qui présentent une dyslexie. En effet, ces enfants arrivent pour la plupart à compenser leur déficit en conscience phonologique et en dénomination automatique rapide par leurs grandes compétences en mémoire à court terme verbale et leur mémoire de travail. Ils arrivent donc à suivre l’école primaire et le collège sans trop de difficultés, malgré leur lecture un peu maladroite et une compréhension imprécise. Ils ont des résultats plutôt modestes qui sont souvent apparentés à l’ennui ou à une paresse. Mais, une fois arrivés au lycée, les enfants doivent faire face à une méthode beaucoup plus exigeante. Leurs difficultés de lecture, qu’ils avaient réussi à plus ou moins compenser, altèrent leur compréhension provoquant une chute au niveau des résultats scolaires.

C’est cette souffrance scolaire qui va alerter les professionnels et les parents, mais elle est souvent très tardive. Il y a un fort taux d’échec scolaire chez les enfants à haut-potentiel, car les enseignants ne sont pas formés et ne savent pas toujours faire face à cette particularité. Pour les orthophonistes, ces profils des 2E posent problèmes au niveau des batteries de tests. Les outils standardisés pour diagnostiquer la dyslexie sont établis à partir d’enfants tout-venant, un enfant dyslexique HPI arrive grâce à ses compensations cognitives à avoir des résultats dans la moyenne, faussant ainsi le diagnostic.

Il est donc important pour les professionnels d’être sensibilisés au profil des enfants doublement exceptionnels, même si la manifestation de cette double exceptionnalité est relativement méconnue. 

Marine