Faire le deuil de l’enfant imaginaire


 

Dès qu’il y a un désir d’enfant, les parents se projettent dans leur future vie. Ils imaginent leur bébé, le font exister bien avant sa naissance. La grossesse est la période de construction des représentations, des attentes parentales mais aussi familiales, les uns et les autres donnent leur avis sur le petit être : son sexe, son caractère, les possibles ressemblances à ses propres parents ou encore grands-parents, les projets de vie… Les parents rêvent leur bébé. Cette représentation idéale du futur enfant est importante, car elle permet aux parents de se projeter dans leur futur rôle, mais aussi dans la construction des référentiels vers lesquels ils vont faire tendre leur enfant. 

L’échographie est une étape importante dans la construction psychique de la grossesse, ce sont les premières images de l’enfant rêvé. Et là, peuvent commencer certaines déconvenues. L’annonce du sexe peut être douloureusement vécue par certains parents, qui s’étaient projetés sur une vie future. Selon le sexe, la vie n’est pas forcément vécue de la même façon, et certains parents recueillent avec beaucoup d’anxiété cette annonce qui bouleverse leurs plans pour leur enfant imaginaire. De plus, l’échographie peut mettre en évidence une particularité ou un handicap. Il faut alors que les parents soient rapidement pris en charge par des professionnels compétents pour les accompagner dans le deuil de leur enfant imaginaire. Nous y reviendrons plus tard.

La naissance est la première rencontre physique entre l’enfant et les parents. Ces derniers découvrent leur enfant réel, après plusieurs mois de projections. L’enfant est forcément différent de l’enfant imaginaire qu’ils ont désiré. Cependant, les parents retrouveront dans leur enfant réel des traits communs. Ils pourront s’identifier à ce nouveau-né, et cette identification est valorisée par les remarques de l’entourage « Oh il a tes yeux ! Il a le même sourire enjôleur… » Toutes ces petites remarques permettent aux parents de projeter des émotions positives, car l’Homme prend soin de ce qui lui ressemble.  Ce jeu des identifications parentales sont primordiales pour la construction de la personnalité de l’enfant. Il trouve ainsi sa place dans la famille. Les parents reconnaissent leur bébé, et au fur et à mesure l’enfant va pouvoir s’identifier à ses parents plus tard : c’est l’identification mutuelle.

Mais parfois, accepter son enfant réel après avoir eu autant de projections n’est pas chose aisée pour les parents. C’est le deuil de l’enfant imaginaire. Il est donc primordial d’accompagner les parents en les valorisant dans leurs rôles, car souvent c’est une peur parentale de mal faire. Cela peut être un parent face aux pleurs incessants du bébé, loin du bébé calme qu’il s’était imaginé, ou bien l’acceptation du sexe de leur enfant, différent des attentes. Ce deuil est d’autant plus présent dans l’annonce d’un handicap visible ou invisible. 

Nous le disions précédemment, mais au cours de la grossesse, certains handicaps sont mis en évidence. C’est le cas par exemple des fentes, cela permet aux parents d’être pris en charge rapidement par un centre de compétence. Il faut préparer les parents à la vie qui va suivre la naissance de l’enfant porteur de fente, et les accompagner dans la reconstruction de leur enfant imaginaire. Mais parfois, le handicap n’est pas mis en évidence pendant la grossesse. Le diagnostic peut être à la naissance ou bien plus tard, rendant le deuil de l’enfant imaginaire encore plus difficile. La première étape est le déni, il est rarement global. C’est une étape normale, puisqu’il permet de protéger notre psyché. Puis, les parents se questionnent, ils se demandent « pourquoi ? » et essaient de mettre du sens sur ce qui leur arrive. Face à la réalité, certains parents entrent dans une phase de colère ou bien dans une phase de dépression. Chacun réagit à sa manière, et c’est là que la famille joue un rôle important d’accompagnement des parents qui doivent parfois déléguer pour reprendre confiance en leur parentalité. Ensuite, vient la phase d’intégration et de négociation. Les parents vont vouloir mettre en place les aménagements pour faciliter la vie de leur enfant, mais il peut y avoir des travers comme une surprotection, une hyper-permissivité ou encore une hyper-exigence (mon enfant est normal, et doit avoir les mêmes performances que les autres). Les professionnels doivent être très vigilants pour le bien-être de l’enfant. Enfin, il y a la phase d’acceptation-cicatrisation, même si on n’accepte jamais totalement un handicap. Le deuil ne suit pas forcément toutes ces étapes à la lettre, il est propre à chacun. Certaines phases se chevauchent, et selon les moments de la vie, les parents peuvent rebasculer dans une phase. L’entourage proche mais aussi professionnel sont des soutiens, ils aident les parents à dépasser ce deuil de l’enfant imaginaire. Il convient donc d’employer les mots adéquats pour décrire positivement l’enfant tout en valorisant le parent dans son rôle. Mais, le handicap peut permettre à chacun de se découvrir une force insoupçonnée pour le bien-être de leur enfant, on se découvre dans le rôle de parent, différent de ce qu’on avait imaginé.

Rêver son futur bébé est normal, se projeter est normal, la déception face à la réalité est aussi normale mais elle doit être dépassée pour le bien-être de l’enfant. Tout comme il n’existe pas de parent parfait, il n’existe pas d’enfant idéal.

Marine Jouin