Hasard et Civilisation


 
La Victoire de Robert Clive lors de la bataille de PlasseyLigne de crédit: Wikipédia

La Victoire de Robert Clive lors de la bataille de Plassey

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Toutes les civilisations se valent-elles ? Peut-on dire qu’il y a des sociétés plus savantes que d’autres ? Autant de questions qui suscitent des débats clivants sur les réseaux et les médias. Pour s’éclairer à ce sujet, penchons nous sur l’ouvrage du professeur Lévi-Strauss, Race et histoire, et en particulier sur l’extrait traitant du hasard dans la construction des sociétés.

« Les sociétés que nous appelons primitives ne sont pas moins riches en Pasteur et en Faraday » 

En commençant par cette citation, Lévi-Strauss prône une idée claire, des individus appartenant à un peuple antérieur chronologiquement au nôtre ne sont pas moins intelligent que nos contemporains sous prétexte d’avoir des technologies moins efficaces. Le hasard est minime dans n’importe quelle invention. Sans intelligence même le hasard ne saurait développer et maintenir un progrès technologique. 

Prenons un exemple et suivons cette idée: Inventer des outils en pierre comme la relativité restreinte demande le même génie créatif, le même effort. 

En outre, pour qu’il y ait progrès technologique il faut non seulement des raisons psychologiques (que le génie en soit un) mais aussi que des raisons favorables se présentent, qu’elles soient sociologiques, historiques, économiques, …. (On êut penser à Copernic, Galilée et de leurs rapports à l’Eglise / On peut également concevoir qu’un pays qui se trouve en guerre civile rend plus complexe la réflexion posée pour ses savants et réduit ses chances de voir s’élever un génie en son sein)

Ainsi pour expliquer les différences dans le cours des civilisations, on en vient à invoquer des ensembles de causes si complexes et si discontinus qu’ils en deviennent inconnaissables.

Dès lors, faire des prévisions sur l’avenir d’une civilisation est impossible, on ne peut être sûr de rien, on ne peut que se référer à des probabilités de sciences sociales

Cependant, un constat est posé, il n’y a pas plus de génies aujourd’hui qu’il n’y en a eu par le passé. Pour s’en rendre compte, il suffit de voir que nombre de nos savoirs actuels sont dûs aux générations précédentes : l’agriculture, la métallurgie, le darwinisme, … Nous n’y avons apporté que des perfectionnements. 

Pour comprendre d’autant plus pourquoi nous devons faire preuve de modestie, Lévi-Strauss ajoute:

« La révolution Industrielle et Scientifique de l’Occident s’inscrit toute entière dans un demi millième de l’histoire de l’humanité »

On ne sait donc pas si cet évènement qui parait majeur à nos yeux d’humains du XXIe siècle changera durablement le cours de l’humanité sur la durée. 

Pour autant, on peut avancer aujourd’hui que cette révolution et la révolution néolithique sont les deux seuls moments où l’humanité a cumulé assez de savoirs allant dans le même sens pour les mettre en commun dans un laps de temps très court.

Pourquoi à ces deux moments plus qu’à d’autres ? On l’a vu plus tôt, les réponses possibles sont infinies. Tout ceci se joue à peu de choses, et doit nous amener à nuancer les discours qui tendent à hiérarchiser les sociétés. 

Si on se penche sur la révolution néolithique : Elle est d’abord survenue en Egypte puis au proche orient puis en Chine, en Amérique native, en Inde. Plus tardivement de quelques siècles en Europe. 
Si on se penche sur la révolution industrielle : elle est d’abord survenue en Europe puis en Amérique, puis au Japon, …

Ce qu’on peut tirer de ces deux exemples, c’est à nouveau la contingence de l’Histoire de l’humanité.  

Ce que cela prouve c’est qu’une révolution n’est pas le fait d’un seul être, d’une seule culture ou d’une seule race. Les conditions qui expliquent ces révolutions sont bien plus générales et ne sont même pas conscientes pour les hommes. 

Ainsi la priorité n’a pas de sens, toutes les cultures ont à peu de temps d’intervalle eu des révolutions technologiques similaires dans des lieux géographiques lointains. 

« Soyons donc assurés que si la révolution industrielle n’était pas née en Europe, elle se serait manifestée un jour sur un autre point du globe »

Un historien dans 4000 ans n’aura que faire de savoir que cette révolution est née 40 ans avant au Japon ou en Allemagne. L’ordre n’aura plus d’importance. Seule subsistera une révolution planétaire survenue en un temps rapproché. 

C’est là que le concept du hasard entre totalement en jeu. On a vu que s’il n’y avait pas de hasard pour l’individu génial qui développe un progrès technologique, il y est pour beaucoup dans l’enchaînement et la synergie que vont provoquer ces-mêmes progrès. Il faut les bonnes inventions dans un ordre précis pour déclencher une révolution. Lévi-Strauss, par son ouvrage, nous invite à l’humilité et au questionnement sur ce qui fonde nos civilisations et sur les rouages complexes, voire cachés, qui les font évoluer.

Emilien Pigeard

 


Bibliographie :

Race et histoire, Lévi-Strauss


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