Coronavirus : le seul mal de la campagne
présidentielle américaine ?


 
René DeAndaLigne de crédit : Unsplash

René DeAnda

Ligne de crédit : Unsplash


Le mardi 3 novembre 2020, les citoyens américains devront choisir entre soutenir l’actuel président Donald Trump ou faire revenir l’ancien vice-président de Barack Obama, le démocrate Joe Biden. La crise du coronavirus vient donner une dimension particulière à cette élection, mettant en relief les difficultés sociales ou questionnant l’implication des nouvelles technologies pour le processus démocratique.

I- Une campagne électorale bouleversée et soumise à des critiques

Le processus démocratique est, à l’image de la société américaine, particulièrement affecté par les effets de la situation sanitaire. La question de la tenue du scrutin est en effet cruciale au vu du système d’élection indirecte et surtout de la taille de chacun des États fédéraux pour rassembler l’ensemble des suffrages des « grands électeurs ».

Comme le souligne l’universitaire texan en sciences politiques et droit Richard Armstrong, enseignant vacataire à Sciences Po Lille, le problème majeur est lié au vote par courrier, considéré comme le plus sûr dans cette situation de pandémie. Selon lui, « l'administration Trump a quelques stratégies, dont certaines sont antidémocratiques, pour obtenir un avantage et faire pencher la balance des élections en sa faveur.  Le ralentissement du courrier est l'une des plus importantes. » Ce ralentissement serait ainsi un support essentiel pour la campagne du président sortant, permettant de contester la légitimité des résultats et de « considérer l'élection dans un État comme invalide en raison du nombre de votes et de bulletins non comptés qui arrivent encore en retard après le jour du scrutin. »  

Ces tentatives de détournement, qui feraient frémir les principes démocratiques des Pères Fondateurs de la Constitution, sont pourtant profondément ancrées dans la tradition des campagnes présidentielles américaines, allant du scandale du Watergate aux accusations d’influence étrangère sur la campagne de 2016. Le coronavirus ne donne finalement qu’un champ d’action plus vaste à ces transgressions des élections.

II- Des candidats pas si différents

Les deux septuagénaires qui s’affrontent pour être le résident de la Maison Blanche semblent à la fois similaires et complètement opposés. Un président républicain, homme d’affaire aux velléités protectionnistes et adepte des déclarations controversées, qui rencontre un sénateur démocrate, politicien chevronné et chantre du “politiquement correct”.

Néanmoins ils sont tout deux des symboles d’une classe politique américaine vieillissante, autant du côté républicain que du côté démocrate. Un phénomène assez généralisé dans les establishments politiques mondiaux, mais qui questionne sur les évolutions politiques aux États-Unis et sur l’adaptation aux enjeux sociaux, économiques et environnementaux. Des enjeux en mutation constante pour des hommes sensibilisés à la politique au cours de la Guerre Froide. Le coronavirus vient souligner le conflit quant à l’évolution des idées par rapport aux situations internationales, aux nécessités économiques ou aux questions sociétales.

III- Questionnement sur les idées « politiques » américaines

Si le débat du 29 septembre 2020 a sans aucun doute souligné le profond respect mutuel des deux candidats (sic.), il a mis en évidence la vision très manichéenne de la vie politique américaine. 

Lorsque le démocrate Joe Biden s’adresse face à la caméra, il rappelle sans cesse les plus de 200 000 décès dus à l’épidémie dans le pays. Le jeu sur le pathos, utilisé aussi bien par le côté républicain que par le camp démocrate, met en exergue un certain manque de confrontation d’idées entre les deux partis. Il n’y pas comme dans de nombreux régimes démocratiques de clivage gauche-droite (la gauche et en particulier le communisme n’ayant pas été toujours très bien accueillie aux États-Unis). Le pedigree des hommes politiques, le jeu des lobbies (à l’exception de quelques figures comme Alexandria Ocasio-Cortez) montre bien un manque de d’opposition et de réflexion idéologique dans le bipartisme américain. 

La réponse au coronavirus apporte peut-être un changement de cette tendance quant à la gestion de la crise par Donald Trump, vivement critiquée. L’opposition démocrate a en effet le champ libre pour proposer des réformes profondes, notamment sur le système de santé. À moins qu’il ne s’agisse que d’un nouveau camouflet pour le président américain, lâché par une partie des Républicains…

Le coronavirus peut ainsi être considéré comme une illustration des lacunes de la vie politique aux États-Unis autant sur l’aspect des idées que sur celui du personnel politique. En attendant, les Américains vont être amenés à choisir dans un contexte sanitaire critique, qui jouera incontestablement dans les résultats du scrutin. Reste à savoir ce qui l’emportera, la réflexion… ou le sentiment.

Pierre Jouin