Le body-positivisme, un mouvement contesté


 

L’industrie cosmétique et de la beauté est souvent critiquée par ses représentations stéréotypées d’idéaux de beauté (dignes d’une cérémonie Miss France) trop éloignés de la réalité et dans lesquelles les personnes ne se retrouvent pas. Course à la maigreur, représentations féminines au teint sans imperfection, les marques vendent le mythe de la femme parfaite. Et comme nous vivons dans une société de consommation, nous sommes dès le plus jeune âge confronté à ses fausses croyances renforçant en nous le sentiment d’imperfection (qui s’accroît à l’adolescence). Les publicités représentent un même type de profil féminin, loin de la diversité des cultures, des formes corporelles qui compose l’humanité. 

C’est ainsi qu’une petite révolution a fait son apparition depuis quelques années : le body-positivisme. A l’origine, dans les années 60, le but était de promouvoir la beauté des personnes « grosses », souvent victimes de grossophobie au quotidien ou encore au travail. Elles ne se retrouvaient pas dans les représentations diffusées à la télévision ou sur les panneaux publicitaires, ce qui accentuait le sentiment d’exclusion et de honte. Or, malheureusement, l’obésité serait un des principaux facteurs de risque de l’apparition de troubles dépressifs (avec une augmentation de la prévalence en l’espace d’une vingtaine d’années en France). Plusieurs études ont montré qu’il y avait une corrélation entre la dépression et l’obésité mais chez les femmes seulement. Ce lien est accentué par le degré élevé d’obésité mais est très fort chez les femmes appartenant à un milieu social aisé. Cela peut paraître étonnant, et pourtant les formes grosses sont souvent vues comme un résultat de négligence et de malbouffe, souvent associées à un niveau social plus faible.

Face à cette souffrance, ce mouvement social a connu un essor dans les années 2000 avec notamment l’apparition des blogs où chacun pouvait faire part de ses souffrances. Le body-positivisme prône l’acceptation et l’appréciation de tous les corps humains, plein de diversité. Le but étant de favoriser l’estime de soin. Le body positivisme s’attaque aux stéréotypes et aux diverses pressions sociales dépendant des cultures, et veut contrer les diktats imposés par une société capitaliste dominée par les fantasmes masculins.

Mais, des limites de ce mouvement sont vite apparues. Le body positivisme repose sur une image de « s’aimer inconditionnellement ». Et là, nous pouvons vite tomber dans une spirale infernale avec une relation toxique avec son corps. Selon Stéphanie Pahud, au travers du mouvement body positive, il faudrait adhérer et s’identifier à une version de soi figée. Cependant, le corps évolue au travers de nos expériences, de la vie, des émotions à un instant précis. Elle juge le credo « s’accepter comme on est » absurde, puisque pour elle le corps humain est un chantier sans fin. Le body-positivisme s’efforce à détruire des idéaux de beauté, en imposant certains standards de beauté (en réalité, réutilisés par les marques à des fins marketing). Pour elle, le véritable combat est de détruire l’emprise que ces idéaux ont sur nous.

En effet, le mouvement a connu des réappropriations, et est utilisé en hashtag sous de nombreux posts. L’injection de « s’aimer » a l’effet inverse, puisqu’il faut maintenant être toujours dans le positivisme toxique. Nombreux sont les influenceurs et influenceuses à valoriser ce terme, mais dans un objectif d’utilisation à des fins de satisfaction de leur envie narcissique de likes. L’Homme se sent aimé quand il se sent validé par ses pairs. C’est ce que nous retrouvons dans la dérive des réseaux sociaux, avec une pression et un désir de reconnaissance constant. Les marques ont compris qu’elles pouvaient tirer leur épingle du jeu, avec des articles sur le bien-fondé du body-positivisme suivis de conseils pour un régime. Des personnalités sont alors nommées comme figures représentatives du mouvement, ces mêmes personnes jugées sexy de par « leurs rondeurs » selon l’opinion publique. Le mouvement est donc réutilisé à des fins mercantiles, et les mêmes personnes sont discriminées.

Ajouté à cela, beaucoup de pression et d’attentes que nous entretenons nous-mêmes en ne disant jamais de mal de son corps. Or, il est important de ne pas toujours être dans un positivisme acerbe et toxique, il y a des jours où ça ne va pas et il faut savoir le reconnaître. Il y a des jours où nous n’aimons pas notre corps, et c’est normal.

Face aux limites du body-positivisme, un nouveau mouvement est apparu « la body neutrality ». Cette fois-ci, il ne serait pas question de se forcer à aimer son corps comme il apparaît mais plutôt à considérer son corps pour ce qu’il est, dans son entièreté et pour ce qu’il apporte. Le but est de ne pas être obnubilé par le physique. La santé à la fois mentale et physique doit être préservée, sans être dans une obsession d’acceptation complète de soi. 

Notre corps varie, un jour nous l’aimons, un autre jour non, et c’est ainsi ! À toujours vouloir s’aimer, on entre dans une relation toxique avec notre corps, impactant alors notre santé mentale. Il serait temps de se détacher de toutes ces pressions, et voir en notre corps notre compagnon de vie avec ses qualités et ses défauts.

Marine Jouin