Le chant pour réapprendre à parler : la Thérapie Mélodique et Rythmée


 
Ligne de crédit : Unsplash

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Ne pas trouver ses mots, chercher par tous les moyens à s’exprimer, se sentir honteux devant notre interlocuteur, on bredouille, et on souhaite passer à autre chose. Cet instant nous est déjà tous arrivé, mais pour des personnes aphasiques non-fluentes, c’est leur quotidien. Heureusement, la rééducation permet d’accompagner ces patients en leur donnant toutes les clés pour rester dans la communication.

Mais, qu’est-ce que l’aphasie ? C’est un trouble des fonctions langagières et de la communication qui survient chez une personne qui maîtrisait normalement le langage. Cela est dû à une lésion qui peut se situer dans l’hémisphère gauche (touchant les aspects formels du langage = les règles de grammaire entre autres), ou dans l’hémisphère droit (aspect pragmatique du langage = comment bien communique dans telle ou telle situation). Les personnes aphasiques savent que leur pensée est présente, mais ils n’arrivent pas à l’exprimer, et voient dans le regard de l’autre leur « indigence ». Au-delà de la perte des fonctions langagières, c’est aussi une perte de la personnalité et de sa dignité, le patient se mûre dans le silence.

Et pourtant, les patients peuvent sortir de leur mutisme, par un moyen présent depuis la nuit des temps : le chant. Des recherches menées au cours du XXème siècle ont pu mettre en avant que chez certains aphasiques, où le langage se limitait à quelques mots, le chant de phrases entières était possible. Pourquoi donc ? Tout se passe dans le cerveau. Comme nous le disions précédemment, les lésions peuvent se situer dans l’hémisphère gauche ou droit. Or, le traitement de la musique se situe dans l’hémisphère droit et est souvent sauvegardé. C’est ainsi qu’une méthode de réhabilitation du langage d’aphasiques avec une lésion à gauche a vu le jour aux Etats-Unis en 1974. C’est la Melodic Intonation Therapy.

Il a fallu attendre 1978 pour qu’un orthophoniste français Philippe Van Eeckhout en propose une adaptation française. La langue française étant très différente de la langue anglaise, et notamment au niveau de la prosodie, Mr Van Eeckhout décide de créer en 1984 la Thérapie Mélodique et Rythmée. Cette méthode se base sur l’exploitation des systèmes prosodiques de la langue française en utilisant le rythme et la mélodie afin d’activer l’expression orale. En gros, on se sert de ce qui est conservé (le chant, le rythme) pour récupérer ce qui ne l’est pas. Cette technique a montré son efficacité et notamment les bénéfices que ce soit au niveau de l’expression orale que de la confiance en soi. En effet, les patients ne pensaient plus à leurs troubles du langage puisqu’ils étaient concentrés sur la part mélodique du langage.

La thérapie mélodique et rythmée repose sur divers paramètres :

- la mélodie : une note correspond à une syllabe

- le rythme : on accentue les fins de mots ou alors une syllabe qui peut être oubliée

- la scansion : le thérapeute tient la main du patient et scande avec lui le rythme de la phrase

- la mise en relief : on accentue des éléments langagiers souvent omis

- le chemin visuel : c’est un peu comme une partition musicale, c’est un support visuel

La thérapie se compose d’exercices verbaux mais aussi non-verbaux. On attend que le patient maîtrise les exercices non-verbaux pour introduire les mots. Cette étape est primordiale, elle requiert l’acquisition des compétences d’écoute et d’attention. On instaure la conversation rythmée. Le patient va s’emparer de la mélodie et va avoir une prosodie différente du thérapeute. Ce qui est très positif, car cela montre que le patient adhère pleinement à la rééducation et qu’il se sert de la méthode comme un outil.

Toutes les aphasies ne sont pas rééducables avec cette thérapie malheureusement, puisqu’il faut quand même avec les capacités motrices et sensorielles nécessaires pour adhérer au chant. Cependant, la TMR pourrait être mise en place avec des pathologies totalement différentes et notamment auprès d’enfants, comme ceux avec des troubles spécifiques du langage oral (anciennement dysphasie) ou encore un bégaiement. Notre cerveau est complexe, mais il a une capacité d’adaptation incroyable !

Marine