Le Grand schisme de 1054 (2/3)


 
Claudio SchwarzLigne de crédit : Unsplash

Claudio Schwarz

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2- Le grand schisme : élément majeur des désaccords entre l’Eglise d’Occident et l’Eglise d’Orient  

 

2.1- Des relations ternies et des Eglises au bord de la rupture

 

En 1043, Michel Keroularios ou Michel Cérulaire (1043-1058) est désigné patriarche de Constantinople par l’empereur byzantin Constantin IX Monomaque, il est un fervent défenseur des droits du patriarcat et affirme, tout comme Photios avant lui, que la doctrine du filioque est une hérésie. Michel Cérulaire va donc lutter contre l’Eglise d’Occident et plus particulièrement contre le pape Léon IX élu en 1049, qui revendique la réforme de l’Eglise. Celui-ci sera appuyé par plusieurs cardinaux et notamment par le légat Humbert de Moyenmoutier. Cette opposition entre le pape et le patriarche Michel Cérulaire va faire éclater le schisme au grand jour.

 

Le pape Léon IX, convaincu par Humbert de Moyenmoutier, décide de se rapprocher de l’Orient afin d’unir l’Eglise latine et l’Eglise de Constantinople et ainsi créer une coopération politique sur les territoires d’Italie du Sud, territoire byzantin où le rite grec prédomine. Le pape voulait à tout prix implanter le rite latin en Italie du Sud et ainsi s’étendre sur une plus large surface. En réponse à cela, le patriarche Michel de Cérulaire choisi de fermer les églises latines de Constantinople.

 

Cependant, il décide dans un même temps d’envoyer une lettre écrite par l’évêque d’Ohrid, à l’évêque de Trani (Italie du Sud). Celle-ci devait après réception, être retransmise au pape ainsi qu’à l’épiscopat franc. Cette lettre met en exergue la volonté de faire la paix avec l’Eglise d’Occident. Michel de Cérulaire souhaite obtenir un équilibre entre l’Eglise de Rome et l’Eglise de Constantinople. Mal traduite et mal comprise, la lettre sera finalement perçue comme injurieuse par le pape Leon IX. Celui-ci, revendique alors la primauté sur l’Eglise d’Orient.

 

Ainsi les deux tentatives d’union des Eglises de la part du pape ou encore du patriarche Michel de Cérulaire, ont toutes deux échouées et les tensions quant à elles sont toujours présentes et sont même de plus en plus fortes.

 

 

2.2- La crise de l’été 1054 : un évènement qui ruine totalement les tentatives d’union des Eglises

 

C’est la crise de l’été 1054 qui va véritablement provoquer la rupture de la relation entre les deux Eglises. Après les difficultés rencontrées entre l’Eglise d’Orient et l‘Eglise d’Occident, le pape Leon IX, envoie une délégation en avril 1054 à Constantinople pour obtenir la réconciliation des deux Eglises mais également pour négocier une alliance anti-normande. Cette délégation était formée de trois légats : Humbert, Pierre d'Amalfi, archevêque d’Amalfi (territoire byzantin) et le cardinal Frédéric de Lorraine, chancelier du Saint-Siège. La délégation possédait un écrit plénipotentiaire lui permettant d'excommunier ses contradicteurs si les négociations n'arrivaient pas à aboutir.

 

 Le 19 avril 1054 le pape Léon IX décède, les légats apprennent la nouvelle durant le voyage par des pigeons voyageurs. Par sa mort, l’écrit plénipotentiaire n’était plus valable. Il était donc nécessaire pour ces trois légats de retourner à Rome afin d’obtenir de nouvelles instructions. Cela ne fut pas le cas et les légats décidèrent de poursuivre leur chemin et de rester à Constantinople. Ces derniers reçoivent un accueil très cordial et chaleureux de la part de l’empereur Constantin IX mais très rapidement, le conflit s’envenime avec le patriarche Michel de Cérulaire toujours opposé aux pratiques religieuses différentes que propose l’Eglise latine.

 

L’élection du nouveau pape tardait et le 16 juillet 1054, les trois légats se rendirent à la basilique Sainte-Sophie. Humbert déposa sur l’autel de la basilique une bulle excommuniant le patriarche Michel de Cérulaire et ses assistants. Cela représentait, aux yeux du peuple byzantin, qui étaient hostiles à la présence des légats dans les affaires du patriarche, une véritable humiliation qui n’est pas sans conséquences.

 

 

2.3- La fin de la crise de l’été 1054 : une rupture partielle entre l’Orient et l’Occident

 

Soutenu par le peuple et le clergé de Constantinople, Michel de Cérulaire déclenche une émeute au sein de la capitale qui contraint les légats à fuir. Le patriarche alla se plaindre à l’empereur Constantin IX peu de temps après, celui-ci annonce alors que la bulle incriminée sera « solennellement brulée ». Quelques jours plus tard, le patriarche condamne les légats d’Occident par le biais d’un écrit promulgué par le synode (réunion d’évêque) le 24 juillet 1054. Cet acte contribua à la reconnaissance et au respect de la population pour le patriarche et au total à son prestige et à son influence au détriment de l’empereur soupçonné de favoritisme à l’égard des latins.

 

Du côté occidental, l’affaire fait grand bruit, les empereurs germains décident de restaurer la crédibilité de la papauté. Ainsi Henri III nomma en septembre 1054 le nouveau pape Victor II (1055 à 1057) qui était évêque d’Eichstatt en Allemagne. L’ecclésia romain désemparée par la crise de 1054 retrouve ainsi une certaine sérénité.

 

Il semble finalement que le conflit opposait davantage les hauts-dignitaires plutôt que les deux Eglises en elle-même. Les excommunications sont la cause de la crise de l’été 1054, mais l’on pourrait suggérer qu’il n’y avait pas de réel schisme à proprement parlé puisque le différent reposait davantage sur la non-entente entre le patriarche et le pape ainsi que ses légats et non pas sur des éléments religieux. Si l’année 1054 marque traditionnellement la rupture et donc le schisme entre les deux Eglises, en vérité la portée de la crise de 1054 reste mineure puisque les relations entre les deux Eglises perdurent encore deux siècles. La véritable rupture entre Rome et Constantinople semble être postérieure aux nombreux évènements de 1054.

Sacha Nizet