Tes yeux


Source : personnelle

Source : personnelle

 

Une création littéraire, un besoin irrésistible ou peut-être une ridicule bouteille à la mer.

Comme vous le trouverez sûrement dans les médias ou sur le web, les yeux sont devenus avec la généralisation du masque un des seuls moyens de comprendre et d’observer les réactions d’une personne. Le sourire de Duchenne, le sourire avec les yeux, est considéré comme le plus sincère, le plus fort et le plus véridique : mais comment saisir tes sentiments, comment comprendre tes yeux énigmatiques…


Tes yeux, qui me foudroient au premier regard, qui ne cessent de m’attirer. Tes yeux, que je croise à travers des centaines, des milliers, et qui me laissent seul au monde, qui me troublent et me rassurent.

Tes yeux, qui m’observent, tantôt moqueurs, tantôt admiratifs, qui précèdent tes mots sans les révéler. Je ne peux m’en détacher et AH ! Je le sais, je ne le peux, je ne le dois, mais je suis conquis…

Alors comment ne pas les chercher, à chaque instant, tes yeux ? Comment ne pas tenter, malgré les conditions, malgré les obligations, d’accrocher ton regard ? Comment ne pas vouloir que tes yeux brillent pour moi, et pour moi seul ?

Mais… égoïste, mégalomane, ambitieux et faux. Voilà ce que cette quête fait de moi. Les yeux ne sont destinés qu’à la surface, ne sont destinés qu’à faire ressortir mes meilleurs aspects. Pas le temps pour la belle personne de l’intérieur (qui n’existe probablement pas), pas le temps pour la sincérité : il faut montrer, il faut illuminer, toujours, encore, sans jamais s’essouffler de honte ou de désespoir.

Mais… pas tes yeux. Pourquoi les tiens ? Pourquoi ton regard ? Pourquoi cette sincérité et cette douceur ? Pourquoi cette force de vivre et cette ardeur ? Je ne sais quoi en penser, je ne sais que trembler face à eux, je ne sais que les éviter…

Tes yeux, me relèvent. J’esquisse un sourire (avec les dents celui-ci). Tes yeux, si forts, si intenses, mes ancres et mes bouées. Tes yeux qui me portent, me consolent et me poussent à voler, crier, rire, vivre et chanter.

Ton regard, qui de haut, s’amuse de mes maladresses et de mes questions. Tes yeux qui m’interrogent, qui se confient, qui me percent à jour sans me juger.

Tes yeux, qui se troublent à leur tour, qui me regardent avec passion et compassion, qui tentent de lutter, qui se cachent sans jamais vraiment le souhaiter. Tes yeux, qui pourtant, portent le feu de l’envie. Tes yeux, qui me brûlent par leur désir, par leurs volontés dissimulées. Tes yeux, qui je crois, tentent de m’aimer.

Tes yeux, que je crois comprendre, qui me semblent ouverts et accessibles à mes pensées.

Tomber dans tes yeux, tomber dans tes iris ambrées, ne plus s’en passer.

Alors QUOI ? Tes yeux ne me sont pas réservés ? Tes yeux portent un poids, portent une réalité qui semble les gêner. Ils clignent, se fatiguent, se détournent. Ils se relèvent, emplis de larmes et de remords. Ils me brisent, pas par leur fatalité, mais par leur triste vérité. Ils me brisent car tes yeux sont envoûtés par une chimère, une utopie : ne pas causer de torts.

Alors, tes yeux s’éloignent, vers une autre ville, vers un autre pays. Finalement, les avais-je vraiment compris ?

Car tes yeux reflètent MES souhaits, reflètent MES idées. STUPIDE, mais pourtant tellement tristement humain. Tes yeux vagabondent sur le paysage nous séparant, oublient les moments.

Comprendre tes yeux : impossible à cause du voile qui s’y maintient, à cause de la rigueur de ces liens.


Alors, il ne me reste qu’à tenter d’oublier ton regard, à tenter de rencontre d’autres “tes yeux”. Mes yeux embués parcourent les rues, se plongent dans d’autres et tentent de retrouver un semblant de dignité. Mon regard se froisse quand mes autres sens sont mis à l’épreuve du tien.

Mais mes yeux n’oublient pas.

Car tes yeux ont réveillé un bonheur, une foudre, une envie qui ne m’avait animé depuis des années. Un choix que je fais de manière prématurée ? Oui. Un choix que je fais sans réflexion ? Parlez-en à mes yeux.

Ils ont décidé d’attendre, de vivre avec un espoir un peu fou, avec une envie qui me portera dans les moments les plus délicats.

L’envie de croiser à nouveau tes yeux, pour que ceux-ci disent à leur tour :

”À n’avoir que toi d’horizon, et ne connaître de saisons, que la douleur de partir” (Louis Aragon)

Pierre Jouin