2024 : A quoi nous attendre ?


Jouer les devins n’est pas chose facile. N’est pas Nostradamus qui veut (pas même Nostradamus) et toute personne de sens le sait aussi.

Mais cela n'empêche pas qu’il est souvent possible d’avoir une idée, sur le court terme, de ce que peut nous réserver l’avenir. Parfois grâce à un calendrier très précis, parfois parce que la suite des évènements est plus que probable.

C’est pourquoi Le Parrhésiaste vous propose, en ce début d’année, de vous résumer ce à quoi nous pouvons nous attendre en 2024.

Des élections partout, tout le temps

Les habitants de 76 pays sont attendus dans les urnes cette année. Ce sont plus de 4.2 milliards de personnes, un record historique, car 8 des 10 pays les plus peuplés votent ! Cependant, ces élections ne seront pas toujours libres et égales : 28 pays ne répondent pas aux principes de base de la démocratie (tels que la liberté de la presse, de parole ou de réunion).

Parmis les élections les plus attendues, il y a : 

  1. Les Etats-Unis, dont l’élection présidentielle sera sans doute un match retour Trump/Biden. N’oublions pas que les USA sont considérés comme une démocratie défaillante (EIU), en particulier pour le manque de culture politique de sa population. La participation de Trump repose cependant sur les décisions de justice qui sont attendues dans les mois prochains.

  2. Pour le Parlement Européen, les habitants des 27 pays de l’Union vont décider de la marche à suivre. Ce vote est important en particulier car va s'y décider la tournure de la politique migratoire européenne. Il semble qu'il faille s’attendre à un tournant vers la droite suite à ces élections. Il s’agira aussi de l’avenir de la politique d’extension de l’Union, avec la possible admission à court ou moyen terme de l’Ukraine et de la Moldavie en réponse à l’attaque russe.

  3. En Ukraine, si elles sont maintenues, elles seront une preuve de résistance, mais la situation est précaire : avec le nombre de déplacés et d’émigrés, et toute une partie du pays occupée, le processus (et donc le résultat) pourrait être contesté, ajoutant à l’instabilité du pays.

  4. En Inde, en Indonésie et au Bangladesh, il est peu probable que les élections changent le paysage politique. Il serait même probable qu’elles accentuent le penchant autoritaire de ces pays. Narendra Modi en Inde semble de moins en moins sensible aux principes démocratiques, en particulier à la vue des accusations d’assassinat, par ses services, de chefs séparatistes au Canada. Il reste cependant en tête des sondages, en s’appuyant sur les 180 millions de membres de son parti, le Bharatiya Janata (BJP), plus grand parti au monde. Au Bangladesh, le tournant autoritaire est déjà entamé, le gouvernement actuel emprisonnant les opposants politiques.

  5. Une autre élection à suivre, et qui attirera les regards du monde entier, sera celle de Taiwan : le vote pour le nouveau président est critique, avec un choix entre pro-indépendance (représenté par le Parti Démocratique Progressiste (DDP)) ou en faveur d’un rapprochement avec la Chine (avec le Kuomintang). Ce vote va influer sur les relations entre les deux Chines, et annoncera, ou pas, le maintien d’une tension constante entre les deux pays. Pour le moment, le DPP est en tête après l’effondrement d’une coalition pro-Chine, autour du candidat à choisir.

  6. En Russie aucune surprise à l’horizon, après que Poutine ait changé la Constitution pour rester au pouvoir au moins jusqu’en 2036. Ce sera son 5ème mandat. S’il atteint cette date, il sera Président depuis 36 ans, le plus long chef d’Etat à la tête du Kremlin, devant Staline (30 ans).

Vers une Nouvelle Guerre Froide ?

Le monde unipolaire sous la coupe des US est en train de disparaître : L’Occident, pour la première fois depuis le XIXème siècle, représente moins de 50% du PIB mondial, et l’isolationnisme monte à nouveau aux Etats-Unis.

Les relations entre la Chine et les USA sont assez froides, malgré quelques rencontres en 2023. Restent toujours les tensions autour de Taiwan, dont les soubresauts guident les rapports entre les deux Puissances. Les USA bloquent de plus en plus l’exportation de technologies (en particulier les nouvelles générations de microprocesseurs, dont l’usage premier est, sans surprise, pour des armes), et beaucoup d’entreprises mondiales, depuis la crise du Covid, font leur possible pour réduire leur dépendance envers la Chine, non sans mal.

Nous assistons à une polarisation nouvelle et croissante, tant économique que politique, dont les puissances moyennes de l’hémisphère Sud seront les cibles et acteurs centraux. Aujourd’hui, la plupart des choix géopolitiques des pays émergents et du tiers-monde se décident soit en faveur des USA, soit en faveur de la Chine. Avec la recrudescence des conflits locaux (Sahel, Moyen-Orient, Birmanie), les risques de voir de nouvelles guerres de proxy se produire augmentent, surtout depuis que l’administration Biden a choisi de concentrer ses efforts et ses moyens vers la Chine (quitter l’Afghanistan, augmenter les moyens en Asie en diminuant ceux en Europe, raffermir les alliances Pacifique en mettant de côté celles avec l’Europe).

En 2024, les principales menaces à la paix mondiale et à la démocratie seront sans doute :

  1. La montée de l’impunité internationale : les coups militaires se succèdent et leur fréquence s'accélèrent (8 en Afrique juste en 2023), une guerre sur fond de nettoyage ethnique entre l’Arménie et l'Azerbaïdjan, la guerre Israël-Hamas, les forces de l’ONU expulsée de République démocratique du Congo malgré la très forte instabilité (élections chaotique de Décembre). Tout cela sans réaction effective des Grandes Puissances et des Institutions mondiales. Peu de chance que cela s’améliore en 2024

  2. Une opposition assumée des pays émergents autoritaires face au modèle démocratique et à l’Occident : la Chine, la Russie et l’Iran s’opposent à l’Occident dans la plupart des décisions (la Chine et l’Iran n’ont pas dénoncé l'attaque de l’Ukraine et de Gaza). D’un point de vue économique, la Chine fait maintenant la moitié de son commerce en Yuan, invitant les pays émergents à abandonner le dollar et construiqant son propre bloc économique hégémonique. La Russie et la Chine patrouillent le Pacifique en exercice conjoint, n’oubliant pas de venir appuyer leurs revendications (les tensions récentes aux Philippines le montrent). 2024 verra sans doute une collaboration de plus en plus étendue de ces pays.

  3. La Faiblesse de la Coalition occidentale : après une démonstration d'unité au début de la guerre en Ukraine, des fissures apparaissent entre les alliés (les conséquences économiques s’avèrent lourdes pour l’Europe, en particulier autour des prix de l'énergie, du carburant, et l’inflation en général). Maintenant, les USA et l’Europe ne s’alignent plus sur tous les sujets : de nombreuses voix s'élèvent contre le financement de l’Ukraine (les Républicains aux USA en particulier). Pour ce qui est du conflit Israël-Hamas, l’Europe a beaucoup milité pour un cessez-le-feu, ne trouvant comme obstacle que les Etats-Unis, qui posaient leur veto à chaque proposition (un accord a finalement été trouvé à la mi-Décembre, mais après plusieurs précieux mois).

Les tensions en 2024 reposeront aussi sur comment les pays autocratiques géreront leurs propres faiblesses : ces derniers se reposent surtout sur la répression (en constante augmentation) :

  1. La Russie est dans une impasse en Ukraine et l’opposition à sa politique représente un risque pour le pouvoir de Poutine (comme l’a montré la mutinerie du Groupe Wagner, la plus grande depuis fin de la Guerre Civile Russe)

  2. En Iran, Khomenei se fait vieux (84 ans), et réprime durement le peuple (manifestation des femmes de 2022-2023), sans oublier qu’aucun successeur précis ne ressort.

  3. En Chine, Xi Jinping impose de plus en plus de purges (disparitions récurrentes de ministres, d’officiels, de chefs d’entreprise). L’exemple des élections publiquement truquées de Hong Kong est parlant, le Parti Communiste emprisonnant publiquement les opposants pour le motif d’être démocrates. A voir si cette population chinoise se laissera toujours faire.

In fine, beaucoup repose sur les élections américaines : si un isolationniste est élu, sa façon de répondre aux défis des autocraties définiera les tensions à venir. Si l’engagement des USA envers leurs alliés faillit, l'impunité des autocraties continuera d’augmenter. Les alliés des USA auront sans doute tendance à se braquer et se tendre plus facilement, et donc à investir fortement dans leur propre défense. Certaines puissances moyennes pourraient tenter d’obtenir l’Arme Nucléaire (la Corée du Sud pour répondre au Programme de la Corée du Nord, l’Iran et l’Arabie Saoudite contre celui de Israël).

Cependant, l’élection d’un internationaliste serait sans doute une bouffée d’air frais pour les démocraties, mais pour un temps seulement: le déclin de la Puissance Occidentale va demander un effort de renforcement très important (par exemple, vers un élargissement de l’UE, une collaboration plus étroite encore de l'Union vers un modèle fédéral sur le long terme ?)

Un saut technologique historique

Malgré des tensions mondiales maintenues, tout n’est pas sans espoir pour autant. Chaque année voit son lot d’avancées technologiques. Dans toutes les branches de la science, les découvertes s'enchaînent et se suivent à un rythme toujours plus rapide. Chacunes portent la possibilité d’améliorer nos vies et d’apporter des solutions aux problèmes globaux.

  1. 2024 sera sans doute une année encore plus tournée autour de l’Intelligence Artificielle. Les débats autour du développement de l’IA vont s’intensifier en réponse aux avancées rapides des nombreux concurrents (Google, Microsoft, Amazon). Éthique, travail, humanité, toutes les strates de nos sociétés seront touchées par cette évolution majeure de notre temps. L’aspect premier sera, comme toujours, autour de l’utilisation de l’IA pour les entreprises (sur comment faire de l'argent en réduisant les coûts, humains mais pas seulement). Un autre sujet, tout aussi probable, sera l’utilisation de l’IA pour les élections : cette technologie pourrait autant aider à améliorer les processus démocratiques (vers une forme de démocratie plus participative par le facilitement du choix par l’IA), ou à les truquer (le risque principal repose ici sur la désinformation. Un gouvernement ou une organisation, en nourrissant en grande quantité l'algorithme de fausses informations, pourrait potentiellement biaiser l’IA).

  2. La conquête accélérée de l’espace. Beaucoup considère la recherche spatiale et l’exploration du Système Solaire comme une perte d’argent qui serait mieux utilisé à résoudre la faim dans le monde. Ce serait oublier que cette branche de la science coûte chaque année à près de 100 milliards de dollars, alors que la dépense mondiale annuelle en armement dépasse les 2000 milliards de dollars. Maintenant, que faudrait-il supprimer ? Une recherche scientifique aux possibilités faramineuse (de l’explication de notre propre existence jusqu’à la découverte de matériaux nouveaux, de techniques médicales révolutionnaires) ou une industrie visant à produire des armes qui, au choix, iront prendre la poussière dans un hangar, apparaître dans un défilé sans utilité, ou faire mourir des civils n’ayant rien demandé à personne). Ainsi, 2024 sera une année charnière pour cette branche de la science :

    1. Si la Nasa suit son calendrier, 4 astronautes doivent faire le tour de la Lune, une première en plus de 50 ans (1972).

    2. La Chine lancera vers Mai un programme conjoint d’étude de la Lune avec la France, l’Italie, la Suède et le Pakistan, sous le nom de Chang’e 6.

    3. Le Japon va lancer en Septembre une mission vers les Lune de Mars, rejoignant ce club très privé et prouvant le dévelopement rapide des pays asiatiques dans ce milieu.

    4. En Octobre, la Nasa prévoit de lancer la mission Europa Clipper, en vue d’étudier la Lune de Jupiter Europe, qui possède un océan sous son entière surface gelée.

    5. L’Inda va poursuivre sa fulgurante montée, après le succès de sa mission sur la Lune en 2023, avec une mission pour Vénus.

Mais 2024 sera surtout une nouvelle année de domination des compagnies spatiales privées

  • Blue Origin de Jeff Bezos prévoit d’inaugurer sa New Glenn. Il faut s’attendre à un échec, l’entreprise ayant annoncé ne prévoir aucun test préalable.

  • Mais surtout, 2024 sera l’année de SpaceX. Que l’on apprécie ou non la figure d’Elon Musk, il faut bien se rendre à l’évidence : SpaceX est aujourd’hui le fer de lance de la conquête spatiale. Après le test concluant de Spaceship (en termes de données récoltées, malgré l’explosion de l’engin), un prochain tir est prévu en 2024. S’il réussit, SpaceX renforcera encore plus sa domination sur le milieu spatial. L’entreprise a mis en orbiten en 2023, plus de matériel que toutes les autres entreprises et pays réunis (le Parti Communiste Chinois, dans un rapport, considère SpaceX comme la principale menace pour la Chine en termes de conquête spatiale).

  • Si le prochain tir de son Starship est un succès (une mise en orbite), il faudra s’attendre à une nouvelle page de la conquête spatiale, car cela voudrait dire que le prix de mise en orbite d’objets pourrait descendre sous les 1.000$/tonne (un prix dérisoire comparé à ce qui s’est fait jusqu’à présent, et qui permettrait l’installation en orbite de tout un tas de projet, en particulier pour la recherche médicale, l’élevage de cellule souche, ou même la production d’objets nécessitant un environnement sans contamination extérieure).

Finalement, que tous ces événements se produisent, ou non, 2024 sera une année charnière dans bien des domaines. L’important est de se tenir aussi informé de ces évolutions, pour être capable de s’y adapter rapidement. Le monde change a un rythme jamais vu auparavant, et dans toutes les directions. S’accrocher à des parcelles d’une réalité connue mais mourante est une perspective rassurante, mais ne pas accompagner cette vague de fond qui emporte tout est encore plus dangereux.

Pour continuer d’apprendre et d’évoluer, n’hésitez pas à suivre Le Parrhésiaste sur les réseaux sociaux et/ou de nous contacter pour nous poser des questions, ou pour participer avec vos propres textes à la revue.

Et surtout, Bonne Année à tous !

La Rédaction


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