Enlèvement international d’enfants : une réalité frappante


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Tout d’abord, qu’est ce qu’implique l’enlèvement international d’enfants ? Certains, en lisant cet article, penseront à l’enlèvement d’un enfant par un tiers inconnu. Mais non, ici nous allons parler d’enfants enlevés par un de ses parents. Et oui vous avez bien lu ! Alors immédiatement, cette question vous vient à l’esprit : comment peut-on envisager d’enlever son enfant des bras de l’autre parent ? Pourtant l’intérêt de l’enfant ne s’articule-t-il pas autour de sa relation avec ses deux parents ?

 

Vous comprendrez vite à travers cet article que la mondialisation y est pour quelque chose. En effet, les temps contemporains et modernes ont ouvert la porte au partage de culture et donc à un processus d’échanges porté par la mobilité. Beaucoup de couples binationaux se sont formés depuis lors et des enfants sont nés de ces unions. Jusqu’ici tout semble légitime et très intéressant pour l’enfant, qui est élevé dans un mélange de cultures qui le rend par la suite bilingue. Or, la vie n’est pas toujours rose et des disputes de couples peuvent naître, ce qui impacte l’enfant. Puis, l’un d’eux décide subitement de retourner dans son pays natal avec l’enfant sans l’autorisation de l’autre parent.

 

C’est au cœur de cette action initiée par l’un des parents que naît toute la problématique d’enlèvement international d’enfants. Selon l’article 371-1 du code civil, les parents ont l’autorité parentale conjointe, c’est à dire que toutes les décisions concernant l’enfant doivent être prises en consultation de l’autre parent et le parent ne peut pas interférer dans la relation qu’entretient l’enfant avec l’autre parent et vice versa.

 

Le fait de partir dans un autre pays que celui de la résidence habituelle de l’enfant, avec l’enfant pour une durée indéterminée, sans avoir préalablement demandé l’autorisation de l’autre parent ou du moins l’en avoir informé, constitue une violation des droits de l’autre parent et plus spécifiquement cela constitue un délit : l’enlèvement international d’enfants.

 

Afin d’essayer de résoudre cette difficulté de grande ampleur, une coopération internationale était plus que nécessaire. C’est ainsi qu’une Convention de la Haye a été signée le 25 octobre 1980 sur les aspects civils de l’enlèvement international d’enfants et ratifiée par la France en 1982. Elle a pu articuler les définitions liées à l’enlèvement international d’enfants et créer une procédure à suivre pour les Etats contractants.

 

En effet, l’autorité centrale a été créée sous l’implication de cette convention et détient un rôle majeur. Elle peut agir en qualité d’autorité centrale requise, lorsque l’enfant a été déplacé illicitement sur le territoire d’un Etat. De même, elle peut agir en qualité d’autorité centrale requérante, lorsque l’enfant avait sa résidence habituelle dans le territoire d’un autre État. Chaque pays a défini l’autorité centrale compétente en la matière. Par exemple pour la France, l’autorité centrale est le Bureau du droit de l’Union du droit international privé et de l’entraide civile.

 

Le parent victime saisit alors l’autorité centrale de l’État dont l’enfant avait sa résidence habituelle avant d’être déplacé (Autorité centrale requérante). Cette autorité centrale adresse une demande de retour à l’Autorité centrale où l’enfant a été déplacé (Autorité centrale requise).

 

En parallèle, afin de favoriser ou d’essayer de retrouver une communication entre les parents, dans l’intérêt de l’enfant, une Cellule de Médiation Familiale Internationale a été créée. Cette cellule est un moyen qui permet de résoudre les conflits en évitant de passer par des procédures qui pourraient davantage impacter l’enfant. Puisqu’il y a lieu de souligner que l’objectif premier de cette convention est d’assurer la préservation de l’intérêt supérieur de l’enfant.

Par la suite, un règlement européen est venu apporter des précisions en ce domaine en 2003 intitulé : Règlement (CE) n°2201/2003 du Conseil du 27 novembre 2003 relatif à la compétence, la reconnaissance et l’exécution des décisions en matière matrimoniale et en matière de responsabilité parentale : Bruxelles II Bis. Ce règlement vient apporter des solutions concrètes en matière matrimoniale et c’est avec son article 1 qu’il est venu aborder le retour de l’enfant dans le cadre de l’enlèvement international.

 

Ces deux sources de droit sont venues apporter des précisions pour le moins essentielles voire nécessaires puisque des difficultés sont apparues lorsque l’enlèvement international d’enfant a été articulé. En effet, dans la Convention de la Haye 1980, elle précise qu’on peut qualifier un acte d’enlèvement international d’enfants ou de déplacement illicite que si il y a eu une violation d’un droit parental et que l’enfant a bien été déplacé ou enlevé de sa résidence habituelle.

 

La violation d’un droit parental et la résidence habituelle de l’enfant sont deux éléments qui ont été articulés par la Convention de la Haye de 1980 et par la Cour de Justice de l’UE.

 

Concernant le premier élément : la violation d’un droit parental, à première vue, cet élément ne devrait pas poser de problème. Pourtant, il y a lieu de souligner que le droit international y est impliqué et par conséquent, le droit en matière de responsabilité parentale diffère d’un pays à l’autre.

 

Prenons l’exemple de la France et de l’Allemagne.

 

En France, que les parents soient mariés ou non, le droit en matière parental reste inchangé, il n’y a pas de différence, les deux parents exercent conjointement l’autorité parentale conformément à l’article 371-1 et suivants du code civil.

 

A contrario, l’Allemagne a établi une réelle différence entre les parents mariés et non mariés. En effet, en vertu de l’article 1626§a du Bürgerliches Gesetzbuch (Code civil allemand), l’autorité parentale est de droit pour les parents mariés. Pour les couples non mariés qui vivent en concubinage, le père doit faire les démarches, initier des procédures avec l’accord de la mère en vue de se voir accorder la responsabilité parentale sur l’enfant. Vous noterez que contrairement au père, la mère, mariée ou non, a l’autorité parentale de droit.

 

En résumé, si le parent n’exerçait pas l’autorité parentale dans le pays où l’enfant avait sa résidence habituelle, alors la condition de la violation d’un droit parental n’est pas remplie et la Convention de la Haye ne peut s’appliquer.

 

Ainsi, il est important d’analyser dans quel pays l’enfant avait sa résidence habituelle afin de déterminer si selon le droit de ce pays, le père ou la mère exerçait effectivement l’autorité parentale.

 

En second lieu, concernant la résidence habituelle de l’enfant, de premier abord, cet élément paraît simple à définir, c’est le lieu où l’enfant réside. Or, cet élément a apporté énormément de difficulté sur la définition du terme « habituelle ». Quelle est la durée minimum pour considérer que l’enfant réside habituellement dans cet État ? Peut-on considérer par exemple qu’un enfant qui a vécu 2 semaines voire un mois seulement voit sa résidence habituelle établie dans ledit pays ?

 

C’est pourquoi la Cour de Justice de l’Union Européenne est venue apporter une réponse sur ce point dans un arrêt de 2009. Cet arrêt est un arrêt important auquel il est fait référence dans de nombreux dossiers afin de justifier la résidence habituelle de l’enfant au titre de l’article 8 du règlement Bruxelles II Bis. En effet, elle a considéré « au sens de l’article 8, paragraphe 1, du règlement, doit être établie sur la base d’un ensemble de circonstances de fait particulières à chaque cas d’espèce. Outre la présence physique de l’enfant dans un État membre, doivent être retenus d’autres facteurs susceptibles de faire apparaître que cette présence n’a nullement un caractère temporaire ou occasionnel et que la résidence de l’enfant traduit une certaine intégration dans un environnement social et familial. Doivent être notamment pris en compte la durée, la régularité́, les conditions et les raisons du séjour sur le territoire d’un État membre et du déménagement de la famille dans cet Etat, la nationalité́ de l’enfant, le lieu et les conditions de scolarisation, les connaissances linguistiques ainsi que les rapports familiaux et sociaux de l’enfant dans ledit État. »

 

Au vu de ces instruments juridiques solides, nous espérons que l’intérêt supérieur de l’enfant soit préservé. Cependant l’espoir est une chose mais la réalité en est une autre. En effet, comme toute thématique internationale, la politique vient s’y mêler. C’est tristement qu’il y a lieu de noter que finalement on observe que chaque État semble disposer de sa propre définition de l’intérêt de l’enfant, mais c’est un tout autre sujet aussi intéressant à aborder.  

 

Agathe Noiret


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