Le Berceau de la Civilisation : Chronologie


Le Taureau d’Androcéphale de SargonLe Louvre

Le Taureau d’Androcéphale de Sargon

Le Louvre

 

Connaissez-vous quoi que ce soit sur le monde et les civilisations mésopotamiennes ? Sur les premières cultures de notre histoire, sur notre berceau commun ?

J’admets vouer une admiration et une passion sans borne pour cet espace mythique, au commencement de tout ce que nous connaissons, de l’agriculture à l’astronomie et les mathématiques, en passant par l’urbanisme. Il est cependant de notoriété publique que l’immense majorité d’entre nous s’en moque pas mal. A quoi bon connaître quoi que ce soit sur cette époque antique et obscure alors que nous peinons à connaître notre propre monde ?

J’entends ces arguments, et les rejette au nom du plus pur loisir et de la connaissance. C’est pourquoi je m’en vais, en plusieurs articles différents, vous exposer les nombreux aspects de ces civilisations successives, leurs histoires, religions, langues, cultures. Ce premier article traitera donc dans les grandes lignes de la chronologie de la Mésopotamie Antique, de manière succincte. Nous nous limiterons donc aux bornes suivantes, du IV Millénaire avant J.C, avec l’émergence du premier grand centre urbain de l’Histoire, Uruk, à 539 avant J.C, date de la chute du dernier Empire Babylonien.

Accrochez vous, c’est parti !

La Période d’Uruk

Tout commence lors du IVème Millénaire av JC, avec le passage de la Préhistoire à l’Histoire en Mésopotamie par le développement de l’écriture, de l’agriculture, de l’urbanisme, de la poterie et de l’irrigation.

Nous assistons durant ce millénaire, dans le Sud de l’Irak actuel, entre le Tigre et l’Euphrate, au développement des premiers véritables États grâce à la complexification des rapports sociaux nés de l’apparition des villes. Ces États se centrent autour d’une petite élite politico-religieuse employant le reste de la population dans les quelques « grandes » exploitations agricoles, et formant ainsi des villes, centres d’emplois et de distribution des richesses. Les rites religieux se centrent autour de celles-ci. C’est ainsi l’ère des premières Cités États. Uruk, la plus grande, regroupe alors près de 50 000 âmes sur plus de 250 hectares et développe l’architecture au travers de monuments religieux comme le Temple aux Mosaïques.

L’expansion d’Uruk

L’expansion d’Uruk

La hiérarchisation sociale et le développement des regroupements humains poussent à l’apparition d’outils de gestion. C’est ainsi que naît l’écriture, à but administratif uniquement, vers 3300. Elle se pratique sur des tablettes en pierre et sert à recenser les biens publics, les flux commerciaux et les rites religieux. La poterie se développe aussi dans cette dernière perspective, en particulier à travers des inscriptions destinées aux Dieux, mais aussi à la figure du Roi, dont l’importance ne cesse de grandir.

Ainsi, cette période voit une révolution humaine majeure, le développement démographique permettant aux principales villes de créer comptoirs et colonies, établissant ainsi une véritable influence politique, mais aussi culturelle, sur la région toute entière, exportant leur modèle social stratifié, leur bureaucratie primitive et leur modèle urbain.

Les Dynasties Archaïques

De -2900 à -2340, ce modèle de Cité État va se maintenir et se développer, les principales étant Ur, Uruk et Lagash. Ces cités sont toutes dominées par des Rois, et centrées sur un système religieux fort qui dicte la vie locale, l’urbanisme et la politique, certains rois étant choisis par « élection divine ».

La régionalisation se renforce, alors que dans le Sud, les villes restent attachée à l’héritage urukéen, ailleurs, plus au Nord, on remarque une certaine différenciation culturelle

Les principaux sites archaïques

Les principaux sites archaïques

Cette période voit le développement constant d’une fragmentation politique, de très nombreux États ne dirigeant qu’aux alentours de 5 000 personnes. Ainsi, si au Sud, l’urbanisation se maintient, malgré une période de reflux de l’influence et de l’établissement régional d’Uruk, dans le Nord de la Mésopotamie, les villes perdent en importance et en taille, et se retrouvent encore plus sujette à l’influence du Sud plus prospère.

Vers la fin de cette période cependant, nous assistons à un retour urbanistique dans le Nord, avec le rétablissement d’anciens sites et la construction de monuments, après plusieurs siècles de « vide ».

L’Empire d’Akkad

Vers -2340, nous assistons à une révolution : l’apparition du premier État territorial, qui ne se limite pas à une Cité et ses colonies. Le modèle étatique s’en trouve chamboulé, avec la prise de puissance d’un centre sur des périphéries, autour d’un Roi de droit divin à prétention universelle.

L’Empire d’Akkad

L’Empire d’Akkad

En -2334, à Kish, grande et puissante ville du Nord de la Mésopotamie, un homme prend le pouvoir, Sargon d’Akkad. Il écrase une à une toutes les cités de la région, et se taille un Empire qui va de l’actuelle Syrie orientale au Golfe Persique, suivant les cours des Deux Fleuves.

Cet Empire va se maintenir jusqu’en -2180. La force de cette entité politique vient du fait, entre autres, de son organisation militaire, non pas centrée sur une cité, mais sur le Roi d’un vaste territoire, permettant ainsi d’agir bien plus loin que ne le pouvaient les Cités États.

Les conséquences de ces conquêtes sont grandes : l’État s’étend grâce à l’élargissement de la conception du souverain, non plus chef d’une ville, mais de plusieurs, sur un vaste territoire unifié. C’est donc l’apparition d’une idéologie impérialiste qui fait de cet Empire un pionnier, l’exemple qui suivront tous les autres pour de nombreux siècles.

Cependant, cette expérience politique ne dure pas, et connaît un déclin aussi fulgurant que son ascension.

La Période Néo-Sumérienne

La chute de l’Empire d’Akkad suite à une invasion de peuples d’Anatolie laisse la Mésopotamie morcelée à nouveau, pendant environ 70 ans.

Mais ce vide politique permet l’apparition du dernier ensemble politique de culture sumérienne, la troisième Dynastie d’Ur, de -2112 à -2004. Elle réunifie le Sud de la Mésopotamie, dans la continuité de l’Empire d’Akkad.

La Troisième Dynastie d’Ur

La Troisième Dynastie d’Ur

Cette période voit l’explosion des sources écrites, peut être grâce à un développement bureaucratique important né de la centralisation régionale. L’organisation de cette entité est ainsi bien connue, par exemple pour son organisation centre-périphérie très différente du modèle décentralisé akkadien.

De plus, nous savons grâce à ces sources la manière dont l’économie était gérée, toute entière par le gouvernement, avec des tentatives de planification basique durant quelques décennies.

La Période Paléo-Babylonienne

Cette période commence par la chute de la Dynastie d’Ur vers -2004, et s’achève avec celle du Premier Empire Babylonien vers -1595.

Après -2004, de nombreux petits royaumes se forment en Mésopotamie et se livrent des guerres sans fin les uns contre les autres. Cette instabilité prend fin avec l’avènement du fameux Hammourabi de Babylone vers -1792 qui mène une coalition contre un roi ayant pris trop d’ampleur, pour le remplacer et imposer une nouvelle unité à la région, autour de Babylone. Il développera l’influence de son État jusqu’au Nord de l’Irak, en partie via le développement du commerce local et de la culture babylonienne.

L’expansion du Premier Empire babylonien

L’expansion du Premier Empire babylonien

Hammourabi est surtout connu aujourd’hui pour son Code, un texte juridique unifiant les lois de son Empire, et organisant la propriété, les sanctions, la société et l’économie. C’est le texte de lois locales le plus complet jamais retrouvé.

Cet Empire finit par s’effondrer vers -1595 sous le coup d’une grave crise économique couplée à une invasion hittite, un peuple anatolien.

La Période médio-babylonienne, ou la rivalité des Puissances Régionales

Malgré la chute du Premier Empire, Babylone reste une ville majeure, en particulier car elle est un centre religieux important. Cette période est mal connue dû à un manque de sources écrites.

Mais il est certain que Babylone entretient une rivalité avec le Royaume d’Assur, au Nord, pendant plus de cinq siècles, en ne cessant de se renforcer en divisant de plus en plus la Mésopotamie entre deux blocs, Nord et Sud.

Les deux royaumes seront balayés par des invasions venues du Nord durant le Xème siècle av JC.

Le Nouvel Empire Assyrien

En 911, l’Empire Assyrien renaît de ses cendres, reprend le contrôle de ses terres. En l’absence de véritable rival dans la région, l’Assyrie étend son hégémonie plus loin que n’importe quel Empire précédant, allant de l’Égypte à Babylone. C’est ainsi qu’apparaît le premier des Empires Orientaux, dont les représentants les plus fameux sont aujourd’hui les Empires Perses.

L’Empire Néo-Assyrien

L’Empire Néo-Assyrien

Ainsi, durant près de quatre siècles, personne ne pourra s’opposer à l’Empire Assyrien, jusqu’à la mort d’Assurbanipal. Ainsi, en -609, après 18 ans de guerres et d’instabilité, il disparaît, au profit du dernier Empire Babylonien.

Le Dernier des Empires, la Nouvelle Babylone

En -625, Babylone se révolte contre l’Assyrie et la remplace en tant qu’hégémonie régionale.

Mais cet Empire est bref : à la mort de son fondateur, le Biblique Roi Nabuchodonosor II, dernier grand roi Babylonien, prend le pouvoir, maintient et étend l’œuvre de son père. Mais il est surtout connu pour son apparition dans l’Ancien Testament. En effet, il est le roi ayant détruit le Temple de Salomon et exilé les Juifs de Palestine. Seulement 20 ans après sa mort, son Empire s’effondre en -539 sous les coups de Cyrus II, roi des Perses et fondateur de l’Empire Achéménide, celui qu’affrontera Alexandre. C’est la fin de la domination de la Mésopotamie par des locaux : tous les Empires qui suivront seront d’origine étrangère (Grecs, Perses, Parthes).

L’Empire Néo-Babylonien

L’Empire Néo-Babylonien

Vous voyez donc, à travers cette longue chronologie, que l’histoire de la Mésopotamie Antique, en plus d’être très complexe et mal documentée, se trouve au carrefour de nombreuses révolutions, dont les effets sont innombrables aujourd’hui. J’espère avoir pu vous intéresser le temps d’une lecture à cette frange de l’histoire si mal connue.

Nicolas Graingeot



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