Le Berceau de la Civilisation : De l’importance de l’Ecriture


Le Taureau d’Androcéphale de SargonMusée du Louvre

Le Taureau d’Androcéphale de Sargon

Musée du Louvre

 

Le Proche-Orient ancien ne cessera pas de nous surprendre de sitôt. Son étude, en plus de nous en apprendre beaucoup sur nos propres origines, est aussi un exercice particulièrement périlleux, consistant à se baser sur de rares sources écrites pour faire des suppositions s’étalant sur plus de 4 000 ans. L’on peut donc entrevoir sans peine les efforts déployés, ne serait-ce que pour déchiffrer les antiques tablettes à moitié détruites par le temps.

Mais tous ces efforts payent. C’est ainsi que nous avons accès à une mine d’informations si intéressantes à étudier. C’est pourquoi, aujourd’hui, je vous emmène découvrir les bases de la culture mésopotamienne antique, et de ses influences actuelles.

Il n’est pas mauvais de rappeler pour bien commencer que toute cette culture se concentre autour d’une innovation historique, l’écriture cunéiforme, c’est-à-dire pictographique, faite à partir de symboles formés de « clous » sur des tablettes d’argile. Cette invention permet un développement sans précédent de la culture et de la civilisation : mathématique, science, économie, politique, religion, littérature, tout apparaît dans le même temps, grâce à la puissance de réflexion débloquée par l’écriture.

La première forme d’écriture « moderne » (vers -3400), que l’on qualifie de Sumérien, se compose de pictogrammes approximatifs et basiques, représentant des idées mais aussi, pour la première fois, des sons. C’est la première retranscription d’une langue parlée. Mais elle reste très basique, et les symboles renvoient toujours à des images.

Se développe pour remplacer cette langue trop archaïque (après plus de 1 000 ans d’existence) l’Akkadien, la première langue sémitique écrite. Au fonctionnement très similaire au Sumérien, mais de manière toujours plus complète, l’Akkadien devient, pendant 2 000 ans, la langue vernaculaire du Proche-Orient, l’équivalent antique du latin classique. En s’étendant, c’est la nouvelle forme de société humaine, la civilisation, qui s’étend dans toute la région. L’Akkadien sera utilisé jusqu’au moins le 1er siècle de Notre ère, dans une forme similaire au latin de la Renaissance, religieuse et lettrée.

Et c’est avec l’Écriture qu’arrivent les Sciences.

Les mathématiques sont les Premiers-Nés de l’Écriture. Les Babyloniens fondent tout leur système numéraire sur une base de 60, dont le reliquat est aujourd’hui nos secondes et minutes. Nos douze mois viennent aussi de cette époque. Avec la complexification de la langue, du Sumérien à l’Akkadien (nous y reviendrons), apparaissent les multiplications, les divisions, les fractions, les grands nombres puis enfin le système décimal avec le pictogramme du zéro. De ce développement naissent la métrologie, la géométrie et l’architecture, et l’astronomie.

L’astronomie devient centrale dans la naissante culture mésopotamienne, en particulier pour des raisons religieuses, divinatoires et mystiques. La pratique de l’astronomie à cette époque permet les premières observations retranscrites des planètes, des constellations, et ainsi, il devient possible pour cette civilisation de prédire avec une grande précision les évènements du ciel. L’astronomie grecque est de plus une reprise des principes mésopotamiens, les astronomes de la région étant considérés comme les plus grands maîtres en la matière.

Cependant, il faut bien comprendre que les sciences mésopotamiennes sont bien plus des croyances que des outils de vérité absolue et indiscutable. Les observations faites par ces sciences sont religieuses, cherchant à trouver l’influence des Dieux dans l’organisation du Monde.

Mais les sciences ne sont pas les seules innovations de cette civilisation avant-gardiste.

La société telle que nous la connaissons nait par l’écriture, sur les bords du Tigre et de l’Euphrate

La possibilité de compter est décuplée par l’écriture : ainsi, l’économie est inventée, car pour la première fois, il devient possible de recenser les biens, les échanges, les dettes, les crédits. Apparaissent des formes basiques de « banques », le commerce autre que le simple troc, l’imposition, la comptabilité. Tout ce que nous connaissons aujourd’hui comme base de l’économie est ainsi apparu il y a 4 000 ans en Mésopotamie.

La Justice se développe dans le même temps, côte à côte avec l’économie, car d’abord utilisée pour les vols de biens. La possibilité de noter les sanctions permet à une jurisprudence basique de voir le jour dans les principales Cités Etat, avec les premiers tribunaux. Le Code d’Hammourabi, datant de -1750, en est le parfait exemple. Sur cette stèle de 2m, en Akkadien, sont écrites des centaines de décisions de justice faisant acte de foi dans toute la Mésopotamie, dans des domaines aussi variés que le droit de la famille, de la propriété, du commerce ou encore l’organisation de la société.

Enfin, la littérature voit le jour au moment où l’écriture cesse d’être la chasse gardée de bureaucrates financiers pour devenir un outil de pouvoir et de contrôle. C’est pourquoi, assez rapidement, au début du IIème Millénaire, apparaît le premier récit littéraire d’envergure, l’Épopée de Gilgamesh, qui met en scène le Roi d’Ur dans sa quête d’immortalité en défi des Dieux. Cette histoire devient un mythe dans toute la Mésopotamie et même au-delà, des traductions ayant été retrouvées en Anatolie ou en Égypte. Ainsi, ce récit est rapidement utilisé par les Rois de la région pour légitimer leur pouvoir, ou pour provoquer la crainte des « Rois Divins » dans la population, dans une quête claire du développement d’un culte royal. Le fait que cette épopée nous soit parvenu est ainsi une preuve de la force de ce texte, et de sa grande influence.

Le dernier rôle de la toute jeune littérature, le plus important en réalité, reste la possibilité de transmettre des savoirs de manière bien plus efficace que par la tradition orale. Ainsi, l’écriture est l’élément déclencheur principal du développement de la Civilisation, et l’origine de toutes les matières qui existent aujourd’hui. Vous voyez donc l’importance de la civilisation mésopotamienne dans notre propre civilisation et société, l’ancêtre commun de l’Humanité Moderne, née sur les rives des Deux Fleuves parmi les plus influents de l’Histoire.

Nicolas GRAINGEOT



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Le Berceau de la Civilisation : Chronologie